Description
Gustave Thibon (1903-2001) est un guide admirable : c’est que lui-même est guidé par l’admiration, laquelle n’obscurcit jamais son discernement, ni cette capacité de rendre aux œuvres dont il parle toute leur signification et toute leur portée.
Les essais critiques ici rassemblés jalonnent sa vie entières ; ils esquissent entre les lignes un involontaire autoportrait. Qu’il reproche à Gide, selon le mot de Platon, de « vouloir faire l’Un trop vite », qu’il reconnaisse en Gabriel Marcel le même souci qui l’anime, celui « de ne pas fuir la vie dans la pensée », qu’il voie dans l’antagonisme entre l’une et l’autre « le drame de Kierkegaard », au sujet duquel il correspondra avec Benjamin Fondane, qu’il décèle, enfin, chez Pascal, le moderne renversement de l’apologétique, la toute-puissance de Dieu, désormais exilé de sa création, se faisant toute-faiblesse, Gustave Thibon est présent dans chacune de ces pages. Du jeune philosophe à l’effrayante érudition, à l’irréprochable dialectique scolastique des années 1930, au vieux sage de la fin du siècle, la continuité est admirable, même si les accents se sont déplacés ; peut-être et sans rien perdre, bien au contraire, de leur vigueur, certaines arêtes se sont-elles adoucies, et quelque chose, à la fois de plus diaphane et de plus souverain, est apparu comme sa marque inimitable, où l’infinie pudeur aiguise la faculté d’attention, au point qu’elle ne se distingue plus d’avec l’amour.