Traduction sous la direction de
Jean-Joseph-François Poujoulat
&
Jean-Baptiste Raulx
Traduction des Confessions par Pierre Labriolle
Plus que Platon ou Aristote, et plus que tout autre penseur après lui,
saint Augustin est l’auteur le plus lu, le plus commenté et le plus influent de l’histoire. Sa parole est l’unité des mondes hellène, hébraïque et latin. C’est à cette bouche dont tombe inébranlablement l’intelligence de la parole chrétienne, c’est à ce référent que la littérature, la pensée, les arts et la politique furent et demeurent suspendus.
Un désagréable paradoxe a cependant surgi au siècle dernier : en dépit de l’importance de cette plus importante des œuvres, les ouvrages augustiniens, au nombre d’environ cent vingt titres, n’ont cessé de devenir plus difficiles à trouver en librairie. Et, hormis un ou deux d’entre eux régulièrement mis en avant, parfois traduits sens dessus dessous, il est aujourd’hui impossible de se procurer les œuvres majeures qui, opuscules ou ensembles océaniques, constituent le cœur même de la pensée augustinienne. La situation est donc claire : le public à qui l’on parle continuellement de
saint Augustin, est tout bonnement coupé de cette pensée fondamentale : la contradiction est aussi absurde que démesurée. Notre édition des
Œuvres philosophiques complètes d’
Augustin est le plus important volume augustinien publié depuis le XIX
e siècle, et vient mettre définitivement fin à cette contradiction.
Par « œuvres philosophiques » nous entendons ici tous les ouvrages d’
Augustin qui ne sont ni des sermons ni des textes expressément consacrés à l’éclaircissement polémique et technique d’une question de doctrine. Se trouvent donc tous les textes qui n’appartiennent ni à l’oeuvre oratoire, ni à ce que la tradition a classé parmi les « querelles théologiques ».
Parce que nous avons voulu que cet ensemble échappe aux conséquences et aux
laideurs issues de la néfaste fragmentation issue de la « spécialisation » qui caractérise l’université contemporaine, c’est à la cohérence et à la force des beaux latinistes du XIX
e siècle que nous avons naturellement préféré d’accorder nos oreilles et de donner notre confiance afin de lire pleinement
Augustin en langue française. Aux côtés de
Pierre de Labriolle, les traducteurs sont ici ceux qu’avec élégance, cohérence et beauté, dirigent
Jean-Baptiste Raulx et
Jean-Joseph-François Poujoulat. On ne saurait trop souligner combien il est loisible de préférer la traduction de ceux-là mêmes qui vivaient encore le latin de l’intérieur, qui le parlaient et qui n’eussent pas même imaginé l’envisager comme une langue de laboratoire — comme une « langue morte ». Ces traducteurs de naguère sont les contemporains de l’intelligence. Ils ne traduisaient le latin qu’en se traduisant devant lui : voilà une première et inestimable chose. Par ailleurs, ils n’étaient jamais seulement des « latinistes », mais ils ne l’étaient que parce qu’ils étaient aussi théologiens, écrivains, historiens, philosophes, et souvent ecclésiastiques : voilà une seconde et inestimable chose — car cette polymathie leur donnait un accès privilégié et simultané à la langue et à l’œuvre symphonique de l’Évêque d’Hippone. Ils savaient donc, par cette immersion spontanée, restituer une des singularités majeures de l’œuvre augustinien : son accueillante générosité.
Car les pages de
saint Augustin sont universellement offertes à tous les publics : le grand Docteur fut un auteur dont n’existe aujourd’hui aucune figure qui pût nous aider à imaginer la popularité : l’on s’arrachait les notes des premières ébauches des brouillons de ces livres tant l’impatience de les lire était incalculable, et le livre paraissait parfois des années après les bribes dérobées qui le rendaient célèbre. De cette popularité dont nul ne se fait idée nous rappelle au moins ceci, qu’
Augustin s’adresse à tous les publics, les plus humbles comme les plus exigeants. Le fils de sainte Monique prêchait à des paysans analphabètes qui, le soir, après la fatigue des travaux agricoles, venaient l’écouter aussi passionnément que le faisaient les dialecticiens les plus aguerris.
Maxence Caron
• Coffret de deux volumes, reliés avec couvertures cartonnées